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  • lundi 20 août 2018

    Kanaky. Sur les traces d'Alphonse Dianou

    Joseph Andras
    Actes sud
    21 €

    Pour moi, premier gros coup de cœur de cette rentrée littéraire ! (sortie septembre 2018)
    Nouvelle Calédonie / Kanaky. Le 22 avril 1988, à la veille du second tour des élections présidentielles qui verront s'opposer Mitterrand et Chirac, un groupe d'hommes attaque une gendarmerie sur l'île d'Ouvéa. L'objectif est de l'occuper jusqu'aux élections et d'attirer ainsi l'attention sur les revendications des militants indépendantistes. Mais l'occupation dérape, des coups de feu sont tirés et des hommes meurent. S'ensuit une prise d'otages improvisée qui se terminera par l'intervention des forces spéciales et un bain de sang. C'est l'affaire dite de « la prise d'otages de la grotte d'Ouvéa ».
    A la tête de cette action, Alphonse Dianou, ancien séminariste et fervent défenseur de la non-violence. Trente ans après les événements, Jospeh Andras part à le rencontre de ceux qui l'ont connu pour tenter de cerner qui était celui à qui Jacques Chirac dénia le statut même d'être humain (Il parlera de « la barbarie de ces hommes, si l'on peut les appeler ainsi »).
    Pourquoi se focaliser sur Dianou ?  Andras l'explique ainsi : « Un visage aide à tracer l'idée, une histoire épaule l'Histoire. Arbitraire, sans doute ; injuste, probablement – notre homme ne s'entend qu'à la condition d'écouter tous les siens, plus encore en ces terres où le moi a l'allure d'un gros mot. » Ainsi, à travers l'image kaléidoscopique de cet homme, -  « ni Gandhi ni Guevara » - qui se dessine peu à peu, c'est l'histoire de tout un peuple qui nous est donnée à voir, avec infiniment de respect. L'auteur s'attache aussi à tirer au clair les responsabilités de l’État dans le traitement sanglant de cet épisode des luttes anticolonialistes du XXe siècle.

    Leçon d'histoire autant qu'entreprise de réhabilitation, passionnant de bout en bout et extrêmement émouvant, ce récit résonne longtemps après sa lecture, et son acuité est d'autant plus forte que les Kanak sont appelés à se prononcer par référendum sur leur indépendance en novembre 2018.

    « Le passé vaut en ce qu'il porte de présent et met bas d'avenir. On ne refera pas l'Histoire mais on doit à celle qui se fait d'en être l'acteur. La bile revient aux morts : il n'y a rien à expier mais tout à combattre. A l'égard du passé, écrivit Simone de Beauvoir dans Pour une morale de l’ambiguïté « aucune action n'est plus possible » : cela fut et rien ne peut être fait. Mais l'on peut « intégrer au patrimoine humain », par les mots, qui manquèrent alors, celles et ceux qui franchirent le temps sans tambour ni trompette. »

    Claire

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