Actes sud
21 €
Pour moi, premier gros coup de cœur de
cette rentrée littéraire ! (sortie septembre 2018)
Nouvelle Calédonie / Kanaky. Le 22 avril 1988, à
la veille du second tour des élections présidentielles qui verront
s'opposer Mitterrand et Chirac, un groupe d'hommes attaque une
gendarmerie sur l'île d'Ouvéa. L'objectif est de l'occuper
jusqu'aux élections et d'attirer ainsi l'attention sur les
revendications des militants indépendantistes. Mais l'occupation
dérape, des coups de feu sont tirés et des hommes meurent. S'ensuit
une prise d'otages improvisée qui se terminera par l'intervention
des forces spéciales et un bain de sang. C'est l'affaire dite de
« la prise d'otages de la grotte d'Ouvéa ».
A la tête de cette action, Alphonse Dianou,
ancien séminariste et fervent défenseur de la non-violence. Trente
ans après les événements, Jospeh Andras part à le rencontre de
ceux qui l'ont connu pour tenter de cerner qui était celui à qui
Jacques Chirac dénia le statut même d'être humain (Il parlera de
« la barbarie de ces hommes, si l'on peut les appeler
ainsi »).
Pourquoi se focaliser sur Dianou ? Andras
l'explique ainsi : « Un visage aide à tracer l'idée, une
histoire épaule l'Histoire. Arbitraire, sans doute ; injuste,
probablement – notre homme ne s'entend qu'à la condition d'écouter
tous les siens, plus encore en ces terres où le moi
a l'allure d'un gros mot. » Ainsi, à travers l'image
kaléidoscopique de cet homme, - « ni Gandhi ni
Guevara » - qui se dessine peu à peu, c'est l'histoire de
tout un peuple qui nous est donnée à voir, avec infiniment de
respect. L'auteur s'attache aussi à tirer au clair les
responsabilités de l’État dans le traitement sanglant de cet
épisode des luttes anticolonialistes du XXe siècle.
Leçon d'histoire autant qu'entreprise de
réhabilitation, passionnant de bout en bout et extrêmement
émouvant, ce récit résonne longtemps après sa lecture, et son
acuité est d'autant plus forte que les Kanak sont appelés à se
prononcer par référendum sur leur indépendance en novembre 2018.
« Le passé vaut en ce qu'il porte de
présent et met bas d'avenir. On ne refera pas l'Histoire mais on
doit à celle qui se fait d'en être l'acteur. La bile revient aux
morts : il n'y a rien à expier mais tout à combattre. A
l'égard du passé, écrivit Simone de Beauvoir dans Pour
une morale de l’ambiguïté « aucune action n'est
plus possible » : cela fut et rien ne peut être fait.
Mais l'on peut « intégrer au patrimoine humain », par
les mots, qui manquèrent alors, celles et ceux qui franchirent le
temps sans tambour ni trompette. »
Claire
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